Edito du Pasteur – MAI 2025

Prends, lis… et résiste ?

Le mois de mai compte plusieurs jours fériés et quelques « ponts » agréables qui installent comme un air de liberté. Le rythme se détend un peu, on gagne quelques heures libres, et même quelques journées. Que faire alors ? Lire bien sûr ! Un roman policier, un livre d’histoire, une œuvre classique, une bande-dessinée : chacun a sa préférence.

Mais écrire cela, n’est-ce pas faire œuvre de fiction, exhorter à contre-temps ? De fait, les études le montrent, la pratique de la lecture – malgré sa popularité – recule considérablement. Et, sans surprise, le temps que nous ne passons plus à lire, nous le dépensons sur nos écrans… D’ailleurs, on lit de plus en plus sur un écran : au risque d’être constamment dérangé dans sa lecture par une foule de messages, d’alertes, de rappels d’agenda, etc. Cette lecture fractionnée, chacun le voit, touche notre capacité de concentration et diminue significativement notre degré d’attention, comme les professeurs l’observent quotidiennement en classe. Cette tendance générale nous touche aussi, nous protestants, qui tenons pourtant fièrement à notre Sola Scriptura : la dernière enquête IFOP (janvier 2025) réalisée pour la Fédération Protestante de France révèle que 33% des protestants déclarent ne « jamais » lire la Bible alors qu’ils n’étaient que 24% en 2010.
 
Ceci ne peut nous laisser indifférents. D’abord, parce que la lecture personnelle de la Bible est au protestant ce qu’est la lectio divina au moine : nous y entendons pour nous-mêmes la Parole de Dieu, nous y rencontrons Dieu. Et cela, je crois, ne peut être remplacé par une autre activité. Et cela demande une attention importante, un calme et une tranquillité. Lire, pour nous, c’est dire la prière du jeune Samuel : « parle, ton serviteur écoute » (1 Samuel 3, 10). Cette prière, qui est indissociablement lecture, est aussi un véritable espace de liberté que le Seigneur nous offre : il nous tire du flot incessant des actualités et des sollicitations pour trouver un refuge auprès de Lui.
 
Non pour fuir le monde, au contraire ! Mais pour pouvoir le servir d’un cœur apaisé, sûr de l’amour de Dieu et qui sait la différence entre la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu et les prétendues « breaking news ». Lire, prier ainsi, c’est résister à une atmosphère qui nous broie trop souvent. S’assoir, dans le calme et ouvrir sa Bible c’est voir se réaliser cette promesse de Dieu dans l’Écriture : Je mettrai un chemin dans le désert, et des fleuves dans la solitude (Ésaïe 43, 19). Loin d’avoir une lecture dispersée et fractionnée, c’est notre vie qui doit être fractionnée et constamment interrompue de la méditation de la Parole de Dieu. Ainsi, nous nous retrouverons, sans que nous l’ayons immédiatement remarqué, comme un jardin tout irrigué. (Jérémie 31, 12)
 
D’ailleurs, n’est-ce dans un jardin, au milieu de sa souffrance et de ses tourments que Saint Augustin entendit un enfant chanter dans la rue : « prends et lis, prends et lis » ? Il saisit alors l’Écriture pour lire et découvrit que c’était Dieu lui-même qui l’avait saisi, par sa grâce… Une belle promesse pour nos journées libres de mai !

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